068 – Chronique nature: « La Fagne, un Musée à ciel ouvert… »

La forêt l’Hertogenwald, entre Eupen (Belgique) et Monschau (Allemagne), au départ de Haus Ternell, aux portes de l’Eiffel dans les hautes Fagnes, est aussi nommée la forêt des ducs, s’étendant sur 12.300 Ha…

Laurence et moi chaussons nos bottines de marche, enfilons notre sac à dos, parcourons les 87 km nous séparant de ce havre de paix et d’arômes bucoliques, en ce week-end d’ascension…

Le temps est nuageux et à la pluie, mais contre toute attente, le ciel demeure indulgent… Go!

Balise « Croix verte« , 8 km annoncés!


Imaginez pénétrer dans un Musée naturel, sans murs ni toit, où végétaux et minéraux, posés sur un tapis de millions de racines sous l’humus duquel s’entremêlent des millions de kilomètres de mycélium (ces filaments issus des champignons colonisant les souches et connectant tous les arbres entre eux, tel un wi-fi de la nature), sont les seules oeuvres exposées…

Nous longeons et enjambons à plusieurs reprises la Gezbach à pieds secs, grâce à l’intervention humaine qui a posé des petits ponts en bois sans altérer l’harmonie des lieux. Le lit du cours d’eau couleur « rouille » est constitué de roches dont les arêtes érodées ne peuvent lutter contre le flot continu des chaos aqueux…

Un noble gardien végétal de plusieurs mètres de hauteur, féérique, nous accueille. Dressant son tronc mousseux et ébranché colonisé par des millions de micro-organismes qui vont, à terme, le rendre à sa forêt natale, il augure une exposition éphémère mais inlassablement renouvelée au fil des siècles…

Un sentier escarpé, accidenté et glissant nous permet d’arpenter le coeur de la haute Fagne qui ne cesse de nous surprendre et de nous émerveiller…

Une petite écluse semble, elle aussi, rongée lentement par les éléments qui refusent la domination humaine…

Des escaliers radiculaires nous ralentissent autant qu’ils favorisent les quelques ascensions que la topographie locale nous inflige…

Tel un cimetière organique imposé par les cycles naturels de vie de la forêt, des arbres sauvagement déracinés par les éléments offrent aux randonneurs d’un jour un spectacle inouï, nous rappelant que nous ne sommes que des fragments de vie, passagers du temps…

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L’un de ces « cadavres » géants nous inviterait presque à la confession, semblant vouloir nous étreindre en son sein meurtri mais toujours debout…

Un autre paraît nous conter une légende et voudrait nous murmurer à l’oreille que les Elfes existent bel et bien…

L’eau de la Helle (seconde rivière que nous longeons, au retour), dévalant en cascade sur des blocs minéraux voulant la faire chanter de ces chaos, nous suggère le respect de son immuable cycle, lui aussi dépendant des équilibres naturels de notre planète…

Quelques fois, Dame nature, coquette, s’exhibe sensuellement, érotiquement, soulevant ses jupes au bord d’un talus, dévoilant, telle une petite mangrove, ses racines noueuses…

Au terme de cette randonnée, cette eau se met à tomber du ciel copieusement, ruisselant dans les lits des ris, des rus et des rivières sillonnant ce biotope exceptionnel…

Une fois de plus, c’est l’humilité et l’émerveillement qui prédominent, parmi les seuls sentiments nobles sur terre, me semble-t-il…

p.s.: Lien internet pour cette randonnée (cliquez le lien): Haus Ternell – 8 km

Vincent Poitier, alias « le Pensiologue »

14 mai 2021

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