


Les 14 et 15 juillet 2021 ont marqué l’Histoire de la Belgique…
Des précipitations exceptionnelles ont provoqué des inondations qui le furent tout autant…
Des milliers voire des dizaines de milliers de citoyens en ont dramatiquement, tragiquement, fait les les frais matériels et parfois humains…
Des personnes ont péri, dans la débandade générale, face à l’impitoyable « Dame Nature » et la gestion urbanistique moderne la toisant honteusement…
Des élans de solidarité incroyables, en pleine crise sanitaire, ont émergé, ce qui est un triste euphémisme…
A l’heure où nos gouvernements nous liguaient les uns contre les autres, dans une logique purement manichéenne, l’Humanité s’est rappelée à elle-même, au bord du gouffre climatique, lequel gouffre, ignorant la pitié, a tout remis en question et en perspectives…
Balayant tout sur son passage, ne laissant derrière elle que pleurs et désolation, la Nature, notre Mère à tous, a remis chacun à sa place négligeable, celle d’un fragment de vie dérisoire…
Impuissants, seuls avec nos scrupules et notre empathie, ébahis par le spectacle d’un tel chaos, nous proposons notre aide à quelques proches, mais il est déconseillé, à ce stade, de nous rendre sur les zones sinistrées, afin de laisser les secours intervenir et afin de ne pas encombrer les voies d’accès limitées et dégradées par les intempéries…
Dépités, comme nombre de citoyens indemnes, Laurence, Pierre (mon fils de 22 ans) et moi-même entreprenons de nous aérer sur les berges de la Meuse toutes proches, là où nous ne serons ni voyeurs ni curieux…
La nature, les éléments, se sont apaisés… Le soleil luit, le débit du fleuve a considérablement diminué, et là où nous sommes, les stigmates du déluge sont discrets, tout comme nous tentons de l’être…
Un champ regorge encore d’eau fluviale et quelques poissons sont massés dans quelques ares de flotte dont la profondeur n’excède pas les septante centimètres…
Des carpes, des poissons divers, condamnés par le drainage naturel post-apocalyptique du sol, sont condamnés dans quelques heures à peine, ce qui semble dérisoire au vu du chaos vécu par de trop nombreux humains à quelques dizaines de kilomètres de là, particulièrement dans le sud-est du plat pays de Brel…
Sans nous concerter, nous avons tous les trois la même idée saugrenue… Puisque nous sommes impuissants face aux actualités, pourquoi ne pas intervenir là où nous sommes?
Soulager notre conscience? Rien n’est moins sûr…
Sauver quelques poissons? Quel acte dérisoire… Mais ces poissons sont les seules vies en danger auxquelles nous sommes confrontés…
Soit… Nous envisageons cet acte dérisoire mais porteur d’espoir…
Laurence connaît José Biava, gestionnaire d’un petit parc animalier situé à quelques centaines de mètres d’où nous sommes, rue de la poterie à Ben-Ahin (Huy).
José nous confie une grande épuisette et une manne en plastique, de même que deux pêcheurs nous prêtent la leur, encore plus grande…
Revenus sur les lieux du « sauvetage », nous constatons que quelques jeunes gens ont pris la même initiative sur le champ voisin…
Pierre, intrépide, n’hésite pas à se déchausser et à se défroquer afin de se rendre au plus près de ces « torpilles » de chair et d’arêtes qui ne sont pas du tout disposées à se laisser piéger, inconscientes que c’est pour leur survie…
L’une après l’autre, ces carpes, pour la plupart, dont le poids est estimé entre quelques centaines de grammes et le kilo et demi, sont pêchées artisanalement pour être rendues au fleuve dont le lit se trouve à quelques quinze mètres de ce milieu provisoirement aqueux…
L’opération dure une bonne heure, sous le regard complice des rares promeneurs…
Pierre semble heureux, Laurence nous photographie et scrute l’eau pour nous renseigner les mouvements imprévisibles de ces êtres vivants considérés comme sans conscience ni intelligence…
Je récupère le « produit » de cette pêche et le remets dans l’eau du fleuve mosan, de meilleure augure…
Vers dix-sept heures trente, nous regagnons « Le Petit Parc » animalier de José, restituons notre matériel de fortune et nous nous attablons à la terrasse bordant l’étang, non sans avoir rendu une brève visite aux lynx, loups, alpagas, poney Shetland et autres écureuils…


La tragédie climatique nous ayant épargnés, cette fois, nous avons osé vivre notre journée avec légèreté, au contact de cette même nature à qui nous avons rendu un très modeste hommage, en respectant toute forme de vie…
Etre humain, cela commence parfois par de très petites choses, finalement, à commencer par avoir conscience que la vie est fragile et éphémère…
Vincent Poitier, alias « le Pensiologue »
17 juillet 2021
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