109 – Chronique sur fond de tubercule: « La friterie des Récollets, chez Viviane (Lilly) et Eric » (Huy – rive gauche)

Cette chronique me met la patate! J’y pensais depuis longtemps, et il me semble qu’aujourd’hui, je peux l’écrire, étant délesté de mes contingences professionnelles antérieures…

Faut-il encore préciser que loin de moi l’idée de faire de la promotion commerciale, j’écris de manière personnelle, et non professionnelle, contre aucune contribution financière d’aucune origine… (si, si…)

J’aime mettre à l’honneur des personnes humaines pour qui je voue une amitié et qui me le rendent bien par monts et par vaux depuis belle lurette…

Viviane et Eric tiennent commerce au bord du pavé de l’espace public, avec comme seule vitrine, un chalet en bois généreusement affublé d’une terrasse couverte embrassant le trottoir de ce que les anciens nomment le « Cours Colin Maillard », à savoir le rond-point des Récollets, du nom du parc public qui le jouxte…

A l’origine, la friterie était plus modeste et fut implantée à quelques mètres de son emplacement actuel, à savoir face et perpendiculairement à l’I.P.E.S. Huy1, sur le parc public verdoyant, plus proche du quai de Compiègne…

Un arbre majestueux fut partiellement abattu par la foudre ou une tempête, sur le pas de la friterie… C’est à cette époque que je fis la connaissance de Viviane (Lilly), ne me doutant pas un instant qu’un jour de septembre 2021, j’écrirais cette chronique…

Allez savoir pourquoi, je l’ai toujours appelée Lilly, peut-être suite à une erreur d’interprétation de ma part de son surnom Vivi, plus logique, mais Lilly fut privilégié par ma modeste personne… (j’aime bien, c’est tout…) Elle m’expliquera que ce surnom lui vient d’un gosse qui traduisit mal « Vivi »... Tous mes ex-collègues de l’époque l’appelèrent donc « Lilly »...

Dès onze heures, chaque matin de semaine, Lilly (Viviane) et quelques fois Eric quand il ne travaille pas ailleurs, met chauffer la graisse (blanc de boeuf), organise ses frigos, son comptoir, sa terrasse, en vue d’accueillir les premiers clients dont bon nombre d’étudiants. Il est loin le temps où l’on faisait ses tartines jambon/fromage pour dîner…

Pour ma part, durant de longues années de missions régaliennes révolues à ce jour depuis deux ans, j’avais coutume de « rendre visite » à ce couple chaleureux, en début de soirée, aux fins de sustentation… Nous en profitions pour papoter avec eux ainsi qu’avec les copains présents avec qui des amitiés se sont également liées… Riant ou refaisant le monde un énième fois, ce commerce de grande proximité devint un incontournable… Devenu un carrefour d’informations « potintoires » et de détente (après journée), je ne me suis jamais lassé d’admirer depuis ma chaise en PVC bleu la sculpture de huit tonnes et demie située au centre du rond-point en vis-à-vis, taillée durant six longs mois depuis Sprimont, dans le granit, par ma maman Yvette Sohy (cf chronique n°11 sur ce même blog).

Ce genre de lieu de vie sociale et commerciale réhabilite le temps des villages dont bon nombre de personnes nourrissent une forme de nostalgie… Le public est varié (c’est rien de le dire), l’accueil humain et souriant, et je me suis complu à observer plus d’une fois Viviane et Eric servir leurs clients avec politesse, ressassant sans coup férir l’éternelle phrase clé: « Du sel sur vos frites?! »


L’interview qui a la frite!

1) Lilly, je peux toujours t’appeler Lilly, ou tu préfères quand je dis « maman »?! (lol)

Les deux, j’aime bien, ne change rien!!

2) Comment et quand est né votre commerce? Pourquoi des frites? Pourquoi à Huy?

(Eric répond) Au départ, il y a plus de trente ans, on avait un commerce appelé « Computer Games », rue Entre-Deux-Portes à Huy. Viviane n’aimait pas… Mais j’avais déjà un autre travail. Un jour, je suis allé dîner à la friterie de Gives (Huy) et j’ai vu une affiche « friterie à remettre » (celle des Récollets). Nous avons repris cette friterie, sans aucune expérience. On était implanté à l’ancien emplacement, devant l’IPES Huy 1. On est ouvert depuis lors… La friterie a déménagé à l’emplacement actuel il y a environ quinze ans…

3) Quelques fois, certains « clients » font l’aumône… Je le sais, je l’ai constaté plus d’une fois… C’est la condition précaire de certaines personnes, à notre époque… Comment réagissez-vous, avec Eric, pour ne froisser personne et quand-même être humain? Ce n’est pas facile à gérer tous les jours, je me trompe?

(Lilly répond) Tu ne te trompes pas, c’est vrai. C’est aussi lié au quartier, que tu connais bien (sourire complice). Cela dépend de l’attitude de la personne. Quelqu’un qui a faim et qui n’ose pas en parler, je lui ai déjà donné à manger, c’est humain… Mais nous sommes un commerce, et on est pas la « soupe populaire »… On encaisse avant de servir, généralement…

4) La vie privée est fort conditionnée par vos horaires, et Eric a un autre boulot, par dessus le marché… Vous me paraissez unis, et cela me fait plaisir à voir! C’est compliqué à gérer au quotidien, vos timings? Et travailler ensemble n’est pas toujours un pari gagnant, qu’en pensez-vous?

(Lilly s’exclame) C’est bien vrai! (rire des deux). Eric est plus diplomate que moi! Et heureusement!

(Eric intervient) Elle a tout résumé! (rire!)

5) Eric, tu es né avec le sourire, dirait-on, c’est quoi ton secret magique?

C’est mon naturel, la bonne humeur est plus agréable que la grimace. Je ne dois pas me forcer…

(Lilly intervient) Pas avec vous, mais avec moi bien!! (rires) (Slim, qui assiste à l’interview, rit avec moi!)

6) Pouvez-vous me narrer une anecdote croustillante comme une viandelle et survenue dans le cadre de votre activité? Dernièrement Viviane, tu m’as envoyé un sms car tu as vu passer une vache par exemple… (lol)

Il y en a beaucoup! (pas des vaches…) Je ne sais pas laquelle choisir! (Lilly) C’est vrai que la vache dans le rond-point, ces derniers jours, cela m’a fait rire!

Je me rappelle la fois où tu as « dégagé » un mec chiant qui s’était invité et qui foutait la « scoumoune » lors de notre soirée « pizzas » entre amis à l’inauguration de la nouvelle terrasse, il y a quelques années! Il avait craché sur ta veste et tes souliers!…

7) Votre établissement fait doucement figure d’emblème, sur la rive gauche de Huy, et votre clientèle évoque un peu une confrérie (je me comprends), avec tous les hauts et les bas que cela comporte. La friterie est un peu comme une fontaine au coeur d’un village… Vous voyez ce que je veux dire? On est au-delà du commerce, on est un peu au coeur d’une petite institution! Si tout devait s’arrêter demain, qu’est-ce que ça vous ferait?

(Eric répond) Le manque de contact avec les clients, avec les habitués dont beaucoup sont devenus des amis au fil du temps…

(Lilly intervient ensuite) On ne peut pas dire que j’ai rêvé de vendre des frites mais le commerce m’a permis de rencontrer différentes personnes et j’ai quand-même fait beaucoup de bonnes rencontres, même si tout le monde n’est pas bienveillant. Il faut composer…

8) Je vous remercie chaleureusement pour votre confiance et votre amitié depuis de longues années, à travers les « vôyes »(wallon), et je suis heureux de constater qu’il existe encore beaucoup d’humanité ici bas, pour peu qu’on y soit attentif et réceptif… Un petit mot de la fin? Eric, Lilly?

(Lilly répond) « Papa », t’es le bienvenu quand tu veux, tu le sais bien! Ça me touche beaucoup que tu écrives sur nous…

9) (Je m’adresse à Slim, un très vieux pote depuis 40 ans qui a assisté à toute l’interview et qui est un vrai habitué) Slim, en tant que client et ami d’Eric et Vivi, que pourrais-tu ajouter?

Vivi et Eric sont mes meilleurs amis depuis 24 ans et ils ont tout mon respect! Même si Vivi n’est pas facile à vivre tous les jours! (lol, humour!)


Débriefing

Traversant les années hutoises, de « Rallyes du Condroz » aux incontournables « 15 aoûts », en passant par les « Tours de France » et consorts, de journées festives en journées banales du quotidien, Viviane et Eric ont servi, en plus de généreux sourires, des tonnes de bâtons frits de pommes de terre à une foultitude de personnes du quartier, de navetteurs ou de gens de passage parfois pas sages, il est vrai…

L’identité d’une ville évolue au fil des générations et du patrimoine architectural mais aussi par les habitants et les commerces de proximité qui la constituent… La friterie de ce couple singulier contribue avec simplicité et noblesse au paysage du quartier de la gare et des Récollets, silloné par les autobus (cf chronique n°107, « Johnny, le bus 103, sur ce même blog), les voitures, les étudiants, les navetteurs et autres usagers pédestres ou sur deux roues…

Le ciment social, sociétal même, se fige grâce à ces éléments tous liés directement ou indirectement, et cela, j’aime à le souligner, en ces temps meurtris économiquement et psychologiquement…

Un commerce tel que celui de Viviane et Eric est un point de convergence et de proximité entre les êtres, les voies de communications routières ainsi que les voies de communications humaines…

Le lien humain, le respect, la parole, les transactions de la main à la main, cette main qui tend une portion de frites saupoudrées du sel de l’humanité…

Tiens! Voilà Nono qui se joint à nous… Je vous laisse… Encore un vieux cama’…

Merci Viviane (Lilly), merci Eric, de faire partie de ma vie amicale et sociale…

Merci pour tous les bons moments, les sourires, votre service, votre sympathie, votre sincérité…

Merci d’être vous, merci pour la confiance, et bon vent à tous les deux!

Vincent Poitier, alias « le Pensiologue »

27 septembre 2021

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