Introduction
On est jamais si bien servi que par soi-même, certes. Mais on a pas toujours les outils, les connaissances techniques, et les matériaux idoines pour réaliser tous nos travaux nous-mêmes.
Il est donc parfois nécessaire de déléguer à des professionnels certains travaux…
Commence alors la quête de l’artisan parfait, ponctuel et pas trop cher, bref, à qui commander un devis… Le bouche à oreille est efficace, sauf lorsque tout le monde te recommande le mec le plus « Top » de la région, celui avec qui tout va bien se passer et tout le toutim.
Mais chacune de tes connaissances est persuadée que son artisan « à lui » est le meilleur et que tu peux même lui dire que tu « viens de sa part »…
Sauf que dans la réalité, c’est très différent, évidemment…
Le devis
Tu téléphones à l’artisan de ton choix lequel ne manque pas de se précipiter, quelques fois le jour-même en fin d’après-midi, te concocter le devis de la décennie ou du siècle…
Tout sourire et très détendu, « l’homme de la situation » est très convainquant et te certifie qu’il n’y aura aucun problème technique, qu’il a l’habitude, qu’il en a vu d’autres depuis vingt-cinq ans, que le délai de réalisation du chantier n’excèdera pas six semaines à deux mois maximum dès la signature du devis, et tout le toutim…
La confiance règne, semble-t-il, tu ne devras pas mettre la main à la pâte mais seulement au portefeuille, tes déchets seront même évacués sans supplément, et les matériaux seront de très bonne qualité…
Pour ma part, quand tout semble trop beau, je suis très circonspect, voire suspicieux, mais bon, on croise les doigts, avec Laurence, on ferme un oeil, et nous signons le bon de commande après quelques jours de réflexion pieuse…
L’attente
Bien sûr, nous nous doutons que ce délai de quelques semaines initialement escompté sera un peu étendu au lavage. Après tout, rien ne presse, nous sommes fin octobre, autant laisser passer l’hiver. Début mars, aucune nouvelle, ça commence à piquer un peu…
Alors que l’auto-digestion commence à nous guetter, Laurence appelle le « gars » du devis qui répond que les matériaux (huit châssis de fenêtre et une porte de garage, tout de même) sont arrivés la semaine passée et qu’il allait justement (tiens donc) nous téléphoner, et qu’il n’y avait (évidemment) aucune raison de s’inquiéter…
On commence lundi prochain (ou jeudi) et la livraison aura lieu ce mardi (à moins que ce ne soit mercredi) mais en fin de compte réellement jeudi après-midi (ben oui…).
Le chantier (enfin…)
Tout commence très fort! Ça va vite, c’est beau (car ça change tout!), mais très rapidement se pointent les premiers problèmes techniques jamais rencontrés dans la carrière de « l’homme de l’art » (qui, je vous le rappelle, en a vu d’autres…) lequel exprime, en primeur en notre demeure, ses premiers jurons dignes du Capitaine Haddock et de tous ses sympathisants… (poil aux dents)
Bien élevé (merci maman et papa), je me contiens, envisageant néanmoins préventivement de faire exorciser la maison à l’issue des travaux…
« Chef », t’as pas un serre-joints? T’as pas une grande échelle? T’as pas ceci, ou cela? Tu sais prendre ci ou ça?
Tu finis par entrer en scène, vêtu des superbes vêtements de travail de qualité professionnelle et offerts par Laurence lors de mon dernier anniversaire qui remonte au début du mois courant.
T’es pas manchot, tu apprends vite (après tout, toi aussi, tu en as vu d’autres), et tu tentes de porter un coup d’accélérateur à la réalisation du chantier qui a lieu à ton domicile où tu finis par ne plus te sentir chez toi pendant plus de deux semaines et où l’artisan te parles comme si t étais son dernier apprenti en stage, t’affublant de noms de charretier au passage… (c’est à peine caricatural…)
Nonobstant tout ce fourbi pour lequel tu paieras l’équivalent de la peau de tes fesses (et de celles de Laurence, ce qui est vraiment dommage), un problème majeur survient…
Tu chope la boîte de « Motilium » périmée qui reste au fond du meuble pharmacie du living-room et tu écoutes le diagnostic qui reportera la fin du chantier à sept semaines…
Le temps de reprendre conscience sur le parquet en lamellé de bois du séjour, tu n’as d’autre choix que d’accepter la fatalité, puisqu’en plus de tout, « l’homme de l’art » t’assène que ce n’est tout de même pas de sa faute si le tout grand châssis du hall d’entrée à été mal coupé à l’usine alors qu’il avait bien transmis les mensurations correctes…
Tu n’a donc rien à dire, même si t’es le client et que t’es chez toi (ce qui semble parfois remis en cause par le sieur ouvrier que tu t’imagines frapper des deux poings mentalement tandis que tu lui décernes ton plus beau sourire pincé, le « Motilium » commençant à agir…)
Les tensions
Deux mois plus tard, les travaux reprennent quelques jours jusqu’à la « livraison ». Tu avais un peu oublié (volontairement) les aléas précédemment évoqués et tu te commences à voir le bout du tunnel…
Mais le mystère des émotions étant ce qu’il est, une résurgence de colère se vaporise par tes oreilles et l’incontournable dispute avec le « gars » survient inévitablement, dans la cuisine, alors qu’on se préparait enfin à célébrer « la quille »…
Tu ravales ta chique au point de te faire péter deux anciens plombages, et tu subis jusqu’à la fin, marmonnant quelques sombres excuses indispensables afin que la facture finale n’en souffre pas…
Le mec t’achève en te déclarant qu’il n’oubliera pas que tu lui a donné un « tout petit coup de main… »
La délivrance
Ça y est, c’est terminé! Il ne restera qu’à nettoyer pendent une semaine et ensuite repeindre toutes les pièces (et les plafonds) afin de faire disparaître tous les stigmates de ce foutu chantier de malheur qui, finalement, a rendu ton humble demeure comparable (en plus petit) à celle de Georges Clooney au lac de Cômes (Italie)…
Le stress finira de ronger ton estomac pendant le délai de réception de la douloureuse, en espérant qu’elle soit suffisamment détaillée pour que tu n’aies pas le sentiment d’avoir participé à tout ça pour les « tûûût » du pape, regrettant de ne pas avoir plutôt relu deux fois « Les Piliers de la Terre » de Ken Follett (plus de mille pages).
Conclusion
On est réellement jamais si bien servi que par soi-même, à moins que de n’avoir d’autre choix que de déléguer. Mais dans tous les cas de figure, quand j’effectue seul certains travaux, il m’arrive de jurer aussi comme un charretier, et il se pourrait bien que Laurence rédige un billet sur le sujet, ce dont je ne serais possiblement pas très fier… (rire honteux)
Et comme disait mon papa, un travail bien pensé est à moitié réalisé, et sur n’importe quel chantier, tu rencontreras toujours des problèmes…
Le tout étant de t’adapter et de les surmonter… Tu comprends, gamin?
Vincent Poitier, alias « le pensiologue »
05 juin 2022.
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