Nos récepteurs sensoriels humains, communiquant les influx électriques que traduit notre cerveau, offrant à chacun d’entre nous une perception subjective de la réalité, constituent un de mes sujets « d’étude » de prédilection.
Mon fils, Pierre (23 ans), ingénieur en Data Sciences et Intelligence Artificielle (UNamur), m’a permis de vivre à demeure ma première expérience de Réalité Virtuelle augmentée, par le biais d’un casque ad-hoc récemment acquis à la fin de ses études.
Pierre délimite le « périmètre de sécurité » au sol, au moyen d’une des deux manettes de contrôle interactif non filaires. Le but est, pour « l’expérienceur », de ne pas heurter les constituants de l’espace réel (table, chaises, etc…) en « matérialisant » une sorte de mur numérique quadrillé définissant cet espace et n’apparaissant que lors du franchissement éventuel de ses limites.
Le primo-essai peut commencer, le casque de R.V. revêtant mon crâne, au milieu du salon domestique…
Le premier film me « plonge » littéralement dans des fonds marins féériques, en apesanteur entre deux eaux, une vingtaine de mètres sous la surface et au-dessus d’une fosse océanique impressionnante…
Partout où se porte mon regard virtuel, cette réalité prend lentement le dessus sur la réalité matérielle qui commence à m’échapper, ce qui perturbe rapidement mes perceptions visuo-haptique (sens du toucher et de la conscience de mon environnement matériel) et visuo-vestibulaire (oreille interne, sens de l’équilibre coordonné aux mouvements du corps).
Ne voyant aucun de mes quatre membres ni aucune partie de mon corps éthérique, mes repères s’affolent un peu, à l’instar de mon équilibre, mais je finis par m’habituer à la situation…
Mon cerveau prend conscience du basculement d’un plan de réalité à l’autre et accepte de faire confiance à mon état de conscience, exercice que je maîtrise depuis un bon moment par d’autres formes expériences…
Cet état de conscience modifié est nourri par la production plus que probable de sérotonine et de mélatonine (hormones), excitant ma glande pinéale, flanquée au centre géométrique de mon cerveau physique et parfois associée au « troisième oeil »…
Ces neurotransmetteurs, très addictifs, m’invitent au second film, dans le cadre bucolique d’un immense lac situé au Monténégro, au-dessus duquel lac je plane tel un oiseau…
Seuls manquent les senteurs et arômes, la douce bise, que mon cerveau ne tarde pas à me suggérer… C’est fascinant, au point que je distingue à peine les voix de Pierre et de Laurence qui m’alertent sur mes courts déplacements, au même titre que le fameux « mur numérique » m’apparaissant par moment, subrepticement, lorsque j’effleure les limites du périmètre de sécurité, me rappelant la virtualité de ce voyage…
Je me retrouve alors, bercé par une musique de circonstance captée au niveau de mes tempes (grâce au casque), au centre d’une absolument merveilleuse corolle stellaire orangée que je contemple à 360°, vertigineusement happé par un déferlement de particules cosmiques sans avoir à en supporter les conséquences létales, puisque, faut-il me le rappeler, je me trouve dans mon salon, en tee-shirt, short et tongs…
M’étant familiarisé avec les deux joysticks permettant de compulser les menus YouTube en 3D, me voici à présent, durant plus de trois minutes de temps chronologique, au coeur du Cosmos, en approche d’une galaxie en rotation (elles le sont toutes).
Le retour à la réalité factuelle (mais quelle est-elle, finalement…), ôtant le casque de R.V., est vécu tel un réveil succédant à un rêve « émoustouflant » (néologisme issu des termes émouvant et époustouflant – merci Virginie O.) duquel demeure le spectre permanent de cette expérience fabuleuse vécue au travers du prisme complexe des perceptions de mon être…
J’en conclus que, finalement (et une fois de plus), la réalité est là où l’on regarde, et qu’il n’est nul besoin d’une technologie quelconque pour accéder aux tréfonds de notre conscience, mais qu’à défaut, elle peut nous rappeler à celle-ci, pour qui peut lâcher prise vers une autre dimension…
p.s.: Je dédie ce billet à mon fils, Pierre, que j’admire sans limite pour son humanité, sa rigueur et sa discipline au cours de ses longues et difficiles études, et avec qui je nourris depuis plus de deux décennies d’innombrables souvenirs et discussions dont peu de personnes furent témoin…
Vincent Poitier, alias « le pensiologue »
19 juin 2022.
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