


Préambule.
A l’instar du « Grand Fossé » dans la BD d’ « Astérix », la ville de Huy s’est construite sur les rives de la Meuse, depuis le Moyen-Âge, et elle est « coupée » en deux, ce qui a toujours suscité quelques rivalités et inimitiés historiques au travers des âges, bien que les autorités communales tentent de niveler ce phénomène depuis de nombreuses années…
Le noyau urbain hutois rive gauche est plus enclavé que celui de la rive droite de par sa topographie qui lui réserve moins de superficie plane mais favorise par contre ses quelques coteaux viticoles cultivés encore par quelques passionnés…
Cependant, il demeure aujourd’hui quelques points de rencontres de proximité chaleureux, disséminés aux abords des principales voies de communication et plaies immobilières dont la « cicatrisation » est à l’oeuvre, lentement…
Ces lieux de convivialité, j’y ai pansé quelques plaies de l’âme, les miennes, et celles de nombre de citoyens de tous bords sociaux et culturels, dans mon ancienne fonction révolue mais dont les amitiés persistent, pour la plupart, ce qui est gage d’humanité de part et d’autre…
Magdaléna Novac, au « Saint-Germain », est l’une de ces rencontres…
A la croisée de toutes les directions, la terrasse de cette brasserie habille les contours de la fontaine de l’ancienne « Porte Saint-Germain », où le bruit de la circulation routière contemporaine couvre souvent le bruit des conversations des clients qui s’en accommodent…
Une voix chantante aux intonations latines signifie la chaleur humaine dont on vient s’enivrer et partager en ces lieux… C’est celle de Magda, la patronne depuis de nombreuses années avec son mari Lionel, lequel reprend le flambeau fin de journée et en soirée, généralement.
L’entretien avec Magda.
Question 1: Bonjour Magda, et merci de m’accorder ta confiance et ton amitié depuis plusieurs années. A quand remonte l’inauguration de ton (votre) établissement, avec Lionel?
Réponse 1: Nous avons ouvert notre établissement en mai 2008. Avant ça, je travaillais dans la galerie du « Longdoz » à Liège. C’est mon compagnon, Lionel, qui m’a un peu poussée à reprendre le « St Germain » à Huy, qui était à remettre, après plusieurs faillites… J’ai suivi quatre années de formation IFAPME en restauration, chef d’entreprise, gestion, en cours du soir, tout en travaillant à la brasserie avec Lionel. Je suis roumaine, et je suis arrivée en Belgique en 1996, vers les 26-27 ans, et c’est en Belgique que j’ai rencontré mon compagnon Lionel.
Question 2: Tu es passionnée de mode, de cuisine et par les animaux (les chiens), si je ne m’abuse?
Réponse 2: Oui, surtout les chiens, depuis mon enfance… Je cuisinais depuis toujours, avec ma maman. C’était une paysanne mais elle était très coquette et très chic! Je lui ressemble beaucoup!
Question 3: Ta clientèle est hétéroclite, mixte, et aux moeurs diverses, en fonction des plages horaires de fréquentation. Ce sont principalement des habitués, issus d’un microcosme sociétal de quartier. C’est un peu comme une vie de village, je me trompe?
Réponse 3: Exactement. Je connais toute ma clientèle, et beaucoup d’entre eux sont devenus des amis, au fil du temps. Le café, c’est un peu le « Théâtre de la vie »! On discute, c’est un café comme dans le temps. Il y a parfois eu des problèmes, mais j’ai mis les choses au point, depuis quinze années que je suis là, et tout se passe pour le mieux…
Question 4: Avec ton charmant compagnon Lionel, ce ne doit pas être aisé de connaître une vie privée, vous vous croisez beaucoup! Ce mode de vie n’est-il pas éreintant?
Réponse 4: On se croise beaucoup, c’est vrai, mais on a confiance l’un envers l’autre, on s’aime, et nous sommes habitués à ce mode de vie. On se respecte mutuellement, on ne s’impose rien…
Question 5: Ma chère Magda, tu as traversé des épreuves dans ta vie, en ce compris au sujet de ta santé, et tu conserves toujours ce sourire chaleureux et ce rayonnement solaire… Quel est ton secret?
Réponse 5: Je ne réfléchis pas, chaque matin est une bataille… Je vis comme « Scarlett O’Hara » (« Autant en emporte le vent », roman de 1936). Je traverse la vie avec force et dignité. J’ai connu un pays en dictature (la Roumanie), et je sais qu’il y a pire qu’ici!
Question 6: Magda, merci de m’avoir accueilli, en tous temps, de manière bienveillante, que ce soit aussi Lionel, Geneviève, Pierre (ton frère)… Ma vie a connu aussi de grands bouleversements ces dernières années, et tu as semé des petits cailloux sur ma route, afin de tenter de m’éviter l’égarement, dans le plus grand respect…
Je suis heureux et riche de vous connaître, ainsi que tes clients, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit (parfois)…
Bonne route, je vous souhaite le meilleur…
Réponse 6: Je t’ai toujours dit, Vincent, tu es un artiste, toi… Je me rappelle un jour où tu es venu chez moi, et nous avons longuement parlé, en sincérité, et nous avons un lien amical… Tu es mieux où tu es maintenant, qu’avant… Ma vie au « Saint-Germain » m’a permis beaucoup de rencontres humaines, et je me suis développée personnellement… On est souvent confident… C’est un métier difficile, et on écoute beaucoup les gens qui nous font confiance, c’est une richesse! On a perdu aussi beaucoup d’amis, décédés… C’est la vie dans tous ses états… La vraie vie…


Le débriefing.
En toutes circonstances, peu importe la fonction, le « déguisement », les vraies rencontres réunissent de vrais humains, au-delà de toute règle ou clivage, pour autant que la bienveillance prédomine, ce qui n’est évidemment pas toujours le cas, surtout lorsque l’on tient un établissement horéca.
Des soucis, il y en eut, il en existe toujours, et cela partout, mais généralement, ils sont dissous dans les sels de la communauté des personnes qui nourrissent l’identité d’un lieu de convivialité tel que le « Saint-Germain ».
Mes chroniques, faut-il le rappeler, n’ont d’autres buts que le partage, l’humain, le respect, la conscience et le culte du lien…
Elles sont le fruit de parcours de vies et de rencontres ayant jalonné la mienne, laquelle a été nourrie de celles des autres…
Vivement la suite, vivement les prochaines, car dans la vie, il est bon de les accueillir, sans trop de projections, ce qui est l’apanage du mental et non du coeur…
Merci Magda, merci Lionel, et bon vent à vous!
Vincent Poitier, alias « le pensiologue »
07 juillet 2022.
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