


Arrivée – premiers émois.
Dimanche 21 d’un mois d’août de 2022 aride et chaud, Laurence et moi-même « avalons » tranquillement les 680 km séparant Huy de notre destination, sans encombre.
Notre lieu de villégiature est implanté au sein d’une grande propriété arborée du quartier « Paramé » de Saint-Malo. Nous posons nos valises pour une huitaine dans un ancien pavillon de chasse en moellons, au fond du parc d’un hectare, accueillis par Soizic, la compagne de Lionel, maître des lieux et des clés…
Un très imposant chien nommé « Le Chien » nous accueille lui aussi de ses aboiements virils…
Je me suis tant documenté sur la cité corsaire malouine de 45.000 âmes et sur la Côte d’Emeraude que j’ai un peu peur d’être déçu, comme un « déjà vu » virtuel, mais je n’ai pas pu résister à réaliser un « road-book » d’avant départ afin de poser les jalons de cette semaine iodée tant attendue…
D’emblée, nous gagnons à pied la plage de Rochebonne, à quelques centaines de mètres de notre gîte, et sommes saisis de fascination par la beauté de ce paysage singulier qu’offre cette côte rocheuse accidentée…
La façade de la bien connue brasserie « La Caravelle » affiche les stigmates des assauts des éléments marins dont la grande marée du trois janvier 2014 dévasta les lieux sous les yeux impuissants du tenancier qui demeure aujourd’hui malgré tout…



Aucun doute, les éléments indomptables vouent Saint-Malo à une résisance assidue à leurs assauts sans que rien n’augure une amélioration future…
Seules les fortifications du « Grand Bé » , du « Petit Bé » ainsi que celles du « Fort National » érigées selon les plans de Sébastien Le Prestre de VAUBAN fin du XVIIème siècle semblent défier les marées incessantes aux coefficients impitoyables qu’inflige Dame Nature…
De Rochebonne au Sillon, en passant par la Hoguette, nous approchons d’Intra-muros et ses remparts que nous visiterons demain lundi…
Pour l’heure, nous nous attablons, vue sur l’Océan Atlantique Nord, à un petit restaurant « cosy » et très chaleureux situé chaussée du Sillon et dénommé « L’Olivier », chez Djamel, qui a un second restaurant spécialité couscous, « Le Talamara », à l’angle de la digue et de la rue Roger Vercel.
Les moules de bouchot sont à l’honneur pour célébrer notre première soirée sur place. Un client parisien, Louis, qui a une résidence malouine depuis dix ans nous tuyaute sur les « trucs à voir ».
Nous nous sommes imprégnés des lieux malouins en quelques heures et avons hâte de visiter la ville et ses environs, sachant que la Côte d’Emeraude s’étire sur quarante kilomètres, de Cancale à l’Est au Cap Fréhel à l’Ouest, et nous élargirons même nos pérégrinations au-delà, de part et d’autre…
La piscine privée de nos hôtes (chauffée à 32°) nous réservera une fin de soirée digne d’une série télévisée…



Saint-Malo – le front de mer et Intra-muros (la vieille ville)
La première matinée de la semaine (lundi) est consacrée aux courses indispensables à notre survie (hormis les restos), et aux apéros quotidiens…
Il pleut, ce qui est devenu un phénomène rarissime en cette année de sécheresse sévère. Mais rapidement, le soleil évince les cumulonimbus…
L’après-midi très ensoleillée est propice à une balade de quarante-cinq minutes par la plage vers « Intra-muros », et nous parcourons les mille sept-cent mètres des remparts étroits de la vieille ville, encore très fréquentés en cette fin de saison estivale…
Cette configuration urbano-moyennageuse est très atypique et vaut franchement le détour. A marée basse, le « Fort National » est accessible à pieds secs…
Je n’évoquerai pas cette saleté de mouette qui m’a précédemment piqué mon sandwich-baguette entier, alors que nous nous sustentions assis sur le bord de la digue…






La vieille ville, nommée « Intra-muros », est littéralement phagocytée par les touristes et les malouins se plaignent du « boum » de l’immobilier qui a fait exploser les prix des loyers commerciaux ou d’habitation. Cela ne contribuera pas à notre meilleur souvenir, cependant, un bar très ancien retient particulièrement l’attention de Laurence (mon amoureuse)…
Son nom évocateur et sa déco hors du temps, très hétéroclite, de même que ses balançoires faisant office de tabourets de comptoir, nous engagent à y prendre un verre…
« Le café du coin d’en bas de la rue du bout de la ville d’en face du port » (La Java), qualifié « Café Classé Hystérique et Patrimoine inter-galactique », est tenu depuis trois ou quatre générations par la même famille et pourrait figurer dans un univers cinématographique adapté d’une oeuvre de Boris Vian... On accède aux WC via une double porte d’ascenseur ancestrale, avec un zeste d’appréhension comme dans un vieux manège hanté…



De retour au gîte, passage obligatoire à la piscine chauffée, où nous lions connaissance avec notre hôte, Lionel, très sympathique et avenant. La conversation est interrompue par une « drache » à la belge, qui inondera notre étendoir à linge et le sol aride de la propriété.. On a pas vu une telle pluie depuis avril au minimum…
Cancale et la Pointe du Grouin.
Mardi 23 août, direction Cancale, bourgade réputée pour ses huîtres et la mytiliculture (la culture des moules de bouchot sur pieux en bois de chênes ou de châtaigniers plantés dans le sable sur une hauteur de deux à six mètres).
Un parking de délestage gratuit, situé sur les hauteurs, à dix minutes à pied du front de mer, invite à soulager le prix de l’horodateur, inévitable sur quasi toute la côte…
La localité ostréicole offre son accueil gourmet aux amateurs de fruits de mer…
Laurence m’explique les moeurs locales en la matière et nous acquérons notre plateau d’huitres à emporter sur le petit marché, plateau nécessairement accompagné d’un verre de vin blanc qui nous est servi à « La Quille », une estafette « Citroën » d’un autre âge (1970) qui fait office de bar à vins…
Traumatisé par une ancienne mauvaise expérience gustative similaire, je me résous à en gober deux, et je m’étonne du fait qu’il est d’usage de jeter ses coquilles aux pieds des digues du port…




Au nord de Cancale, à quelques kilomètres par la route côtière, nous arpentons les sentiers de la « Pointe du Grouin »… Un bol de nature et d’air iodé frais, sur fond de rochers surplombant les cahots océaniques s’y heurtant dans une valse d’écume rythmée par les marées…
Le soleil agresse nos peaux tannées soulagées par une bise marine qui introduit ses effluves dans nos narines émoustillées…


Ce soir, ce sera un bon « spaghaâr » maison, accompagné du sempiternel verre de vin rosé siroté à la table extérieure en bois de notre logement, d’où l’on peut voir le soleil se coucher sur une très belle journée bretonne, non sans piquer une tête dans la piscine… Off course…



Le port de Dahouët – le Cap Fréhel
Mercredi 24 août, nous franchissons le barrage de la Rance dont l’estuaire borde Saint-Malo et Dinard, et roulons une heure jusqu’à atteindre la petite commune de Pléneuf-Val-André sur le début des Côtes d’Armor, au-delà du Cap Fréhel.
Le but de la visite est le petit port du XVIème siècle de Dahouët, dont le chenal d’accès est étroit et sinueux. Calme et pittoresque, il s’agit d’un port de marée dont les bateaux sont en cale sèche à marée basse. Anciennement réputé pour la pêche à la morue (Terre-Neuve et Islande), il ne demeurerait que deux chalutiers en activité à ce jour, ce qui lui confère encore aujourd’hui le statut de port de pêche…
La dernière séquence du film « La 7ème compagnie au clair de lune » (1977) avec notamment le regretté Jean Lefèbvre (1919 – 2004), a été tournée en ces lieux qui constituent pour moi un véritable coup de coeur…




Sous un soleil intense, nous revenons vers l’Nord-Est en direction de l’incontournable Cap Fréhel distant de trente minutes en voiture… Trois euros de parking (bon, ça va…), et nous disposons dès lors de trois heures de balade munis, comme partout où nous nous déplaçons, de nos sacs à dos et nos gourdes d’eau indispensables…
Perché sur une crête de falaises, le phare de ce Cap scrute l’horizon tel un matador guettant la menace potentielle… Les remous de l’océan érodent imperceptiblement les sédiments des « pieds » colossaux de ces côtes rocheuses noires et brunâtres au rythme du son des ressacs incessants et mélodieux…
Au loin, à l’Est, on aperçoit le majestueux « Fort la Latte » distant de 4,7 km à pied par le GR34 longeant toute la Côte d’Emeraude et dont le nom évocateur lui vient de la couleur de ses eaux claires…
« Fort la Latte », classé monument historique, fut construit en granit de Bretagne au XIVème siècle sur cette position stratégique, par le Seigneur de Matignon. Il a notamment servi de décor à plusieurs films…



Nous cumulons les kilomètres à pied, ce que confirment nos podomètres, et la soirée est propice à la détente, en « spleen-music », sous un des arbres majestueux côtoyant notre gîte…
Dinard- Saint-Briac – Saint-Lunaire.
Jeudi 25 août, visite du marché de Dinard, en centre ville, dont les parkings sont gratuits pour cause de problème technique (hourra!).
La localité en vis-à-vis de Saint-Malo sur la baie (estuaire de la Rance) est également accessible en bateau-bus (10 minutes) pour quelques euros.
De part et d’autre de la plage de Dinard, sont aménagés des itinéraires bétonnés, sur et aux pieds des rochers, offrant une accessibilité aisée et des vues magnifiques dont nous ne manquons pas de nous ravir… Nous pique-niquons sur un gros rocher, bien attentifs aux mouettes voleuses!
Le ciel est nuageux et le vent nous fouette quelque peu, selon notre exposition au large, au fil des circonvolutions côtières…
De splendides et cossues propriétés dominent les hauteurs des pans de roches hauts d’une cinquantaine de mètres par où nous revenons sur le centre ville…



Un peu plus à l’Ouest, nous gagnons la coquette baie de Saint-Briac qui héberge nombre de bateaux de plaisance et foulons ensuite le sable de la plage de Saint-Lunaire où des familles profitent du farniente à marée montante…
Ponctuant notre journée à la « petite » « pointe du Décollé« , nous conversons avec un homme qui manipule avec dextérité un drone qui capture des vues imprenables sur cette pointe…
Bercés par le fracas des cahots marins sur les étocs dangereux pour la navigation, nous décidons avec Laurence d’à nouveau rendre visite à notre camarade Djamel, à « l’Olivier », sur la digue de la cité malouine qui nous accueille à marée haute et qui nous offre un mélancolique coucher de soleil sur le « Fort National »…
Faut-il que je vous raconte que Laurence s’est lavé un pied et sa sandale dans les très exiguës toilettes du lieu? Elle est belle et aussi tout terrain, ma moitié, et ce n’est pas l’étron maculant sa semelle et le bas de sa cheville au sortir de l’auto qui me démentira…
La pizza malouine calera nos estomacs creusés par nos pérégrinations bucoliques (mais exemptes de coliques…) et nous la « tasserons » avec un Mojito-champagne au bar « La Caravelle » que j’évoquais en début de chronique, à la Rochebonne...





Au gré des côtes…
Vendredi 26 août, nous n’irons pas trop loin. Entre Saint-Malo et Cancale, nous sommes loin d’avoir tout vu. La baie du « Havre du Lupin », « l’Anse de la Touesse » (plage), la « pointe du Meinga » dont l’accès n’est possible qu’à pieds depuis le parking gratuit de la « Touesse », sont autant de lieux moins plébiscités mais tout aussi ravissants…
Nous jetons notre dévolu sur la « plage des Chevrets » à Saint-Coulomb d’où je piquerai une tête dans les eaux fraiches et salines de l’océan…
La terrasse du restaurant-brasserie « Chez Colette » offre une vue exceptionnelle sur « l’Anse du Grusdin »! (il vaut mieux réserver en saison).


Le Mont Saint-Michel (Normandie)
Samedi 27 août, dernier jour, déjà! Bigre! Le temps passe vite…
En une heure de voiture par la côte, nous gagnons le « Mont Saint-Michel », en Normandie (et ne dites pas à un malouin qu’il est Normand sinon il vous jette à l’eau!).
Nous y sommes passés il y a plus d’une dizaine d’années, et l’accès est complètement réaménagé et réorganisé. Plus d’accès carrossable hormis les navettes de bus gratuites depuis l’immense parking (15 euros de forfait).
Nous choisissons de parcourir les 2800 mètres qui nous séparent du fameux énorme rocher de 960 mètres de circonférence, 92 mètres d’altitude (150 mètres à la flèche de la statue de St-Michel) et 7 hectares de superficie émergée, hébergeant depuis le début du huitième siècle un village auquel culminera plus tard une Abbaye…
Au retour, pause apéro à la guinguette locale à « Le Gros orme », avec vue imprenable sur la baie d’où reviennent des bateaux de pêche amphibies chargés d’huitres…



Inutile de préciser que Djamel, à « l’Olivier », nous verra rappliquer le soir-même pour un dernier repas (entrecôte) et un aurevoir chaleureux! Décidément, cet homme, ainsi que le chef de cuisine et le personnel de salle, sont vraiment très accueillants!
Epilogue…
Avec des coefficients de marées avoisinant 88 en fin de séjour, nous avons pu admirer les vagues titiller les digues en pierres de Saint-Malo qui en a vu d’autres lors de marées exceptionnelles à 110, auxquelles s’ajoutèrent parfois une pleine lune et des vents à décorner des boeufs…
En perpétuelle adaptation et résilience face aux rigueurs climatiques, les malouins profitent et pâtissent à la fois du tourisme croissant induit par la magnificence de la singularité des lieux et la fascination pour ces éléments météorologiques dantesques mis souvent en exergue par les médias officiels, indépendants et particuliers dont ce blog fait partie parmi tant d’autres…
Cependant, l’attrait pour la nature marine, en l’occurence, nous a irrésistiblement menés jusqu’à cette ville et sa région, nous aussi…
Saint-Malo fut bombardée par les américains en 1944, convaincus qu’un millier de soldats allemands étaient retranchés en son sein, ce que ne purent démentir les habitants évacués pour l’occasion…
Détruite à quatre-vingt pour cent, elle fut reconstruite quasi à l’identique, et le clocher de son église d’Intra-muros, fut achevé d’être restauré en 1971…
Ce qu’impose et inflige parfois la nature ne peut être contrôlé. L’homme fait front mais doit subir ses assauts récurrents et réparer, s’adapter, je le répète…
Mais une telle beauté insolente ne peut laisser indifférent ni les visiteurs ni les habitants qui demeurent en amour sans rancune contre les éléments qui ne connaissent pas les sentiments…
Nos hôtes, Lionel et Soizic, nous ont réservé un accueil chaleureux et nous ont même permis d’emporter un jeune palmier de leur propriété… Et oui, il pousse des palmiers en Bretagne!
Au soir du dimanche 28 août 2022, ma cité hutoise natale nous embrasse des méandres de son fleuve après sept heures et demi de route dont mes vertèbres lombaires me disent merci…
On « jette » les valises, on tourne une machine, en soixante minutes chrono, et sirotons la douce nostalgie de cette semaine magnifique au « Petit Parc » de Gives (Huy) chez José et Christine, devant un soleil, le même qu’à Saint-Malo, se couchant sur les eaux calmes de l’étang…
Un héron survole le plan d’eau, on entend hurler les loups…
On est bien… Merci la vie…
p.s.: toutes les photographies sont originales et de notre propre chef.
Vincent Poitier, alias « le pensiologue »
30 août 2022
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