180 – Chronique voyage et historique: « Plaka-Spinalonga, Crête (Grèce), « La dernière traversée… »

A l’heure où les îles grecques de Rhodes et de Corfou sont la proie des flammes sous le joug d’une sécheresse probablement historique (juillet 2023), j’hésitai à rédiger cette chronique issue de notre dernier voyage (6-14/7/23)…

La Crête est la plus méridionale des îles grecques, à 250 km au nord des côtes Libyennes et Egyptiennes, à la même latitude que la Syrie et Beyrouth.

Elle est sans doute la plus grande en superficie et son identité est forte, au point de revêtir quasiment le statut d’Etat dans la république Hellénique comptant près de 9000 îles et îlots dont environ 200 sont habités.

Spinalonga est l’un de ces îlots (ancienne presqu’île dont l’isthme fut percé par des marins français en 1897). Sous l’autorité des Vénitiens du XVIème siècle au XVIIème siècle, érigeant la forteresse qui y trône encore actuellement, elle fut conquise par les Ottomans en 1715 jusqu’à ce qu’elle revienne à la Grèce en 1898.

Victoria Hislop (née Hamson en 1959, britannique devenue grecque en 2020) publia en 2005 le roman « L’île des oubliés » (roman, ed L’Escale, France, en 2012), distribué dans 26 pays à plus de deux millions d’exemplaires ce qui en fit son oeuvre majeure à ce jour.

Ce récit romancé traite d’une saga familiale entre Plaka et Spinalonga où les lépreux furent confinés de 1903 à 1957, date à laquelle un traitement fut découvert et validé par le gouvernement, ce qui permit aux habitants bannis de rejoindre leurs familles d’origine.


Nous prenons nos « quartiers de vacances » à proximité d’Elounda, à l’hôtel « Elounda Palm », le jeudi 06 juillet 2023 vers treize heures, surclassés durant 24 heures dans une suite avec piscine privée de 18m2 pour cause de disponibilités. L’hôtel est chaleureux et très convivial, à l’instar de son personnel prenant grand soin de sa bonne centaine de clients.

Nous visitons Elounda le vendredi soir, la chaleur étant plus supportable à ce moment de la journée, ce qui permet à notre corps d’adapter son système de thermorégulation.

Elounda ,village portuaire, est très animé par le tourisme, notamment. La promenade en bord de mer Egée menant à la place principale est jalonnée de bars et restaurants quasiment posés sur le ressac, quand ce n’est pas flottant littéralement. Des vents estivaux balayent par bourrasques régulières ce cadre idyllique sans toutefois en perturber la quiétude…

Un délicieux Mojito nous émoustille les papilles et nous rafraîchit le gosier avant le retour à l’hôtel.

Les trois premiers jours sont voués au farniente, au bord de la piscine d’eau de mer assurant une flottabilité nettement supérieure à ce que nous connaissons habituellement.

Je m’imprègne de l’histoire locale au fil des pages du roman d’Hislop au point de trépigner d’impatience de visiter Plaka et de fouler les pierres de Spinalonga, ce que nous fîmes le lundi 10 juillet.


Le bus public local nous mena rapidement au coeur du village de Plaka qui fut, jusqu’il y a sept décennies, le point d’embarquement ultime des habitants diagnostiqués « lépreux ». Ils étaient transférés d’autorité et Ad vitam à Spinalonga à bord d’un esquif, au grand dam des familles éplorées.

Un vieil homme du cru nous arbore un large sourire amplifiant les rides halées de son visage, nous invitant à prendre un café dans son établissement familial, en vis-à-vis de l’objet de notre visite, Spinalonga

La taverne-restaurant transpire l’histoire locale. Les murs semblent avoir connu et écouté les échanges déchirants des familles qui, jusqu’en 1957, étreignaient une dernière fois un de leurs proches banni pour cause de maladie avérée (la lèpre).

Les rafales de vent emportent des embruns à la surface de l’eau salée et l’ancienne maison du Gouverneur de « l’île des oubliés » (la forteresse vénitienne) confère au tableau un air d’austérité, de complainte et de tristesse…


Nous embarquons depuis le ponton jouxtant la terrasse où nous prîmes notre café. La traversée de moins de quinze minutes amplifie le sentiment de désarroi qui dût étreindre ceux qui ne bénéficièrent pas d’un billet retour comme c’est notre cas.

Comme quoi, le bout du monde est parfois à quelques brasses à peine…

Nous empruntons le fameux tunnel d’accès au village de Spinalonga qui signifiait jadis l’ultime point de non-retour des confinés dont le nombre varia d’une centaine au triple de ce nombre, au paroxysme du taux d’occupation.

En deux heures nous parcourons toute la superficie de l’îlot, en ce compris son point culminant d’où la vue est magnifique, ce qui fut une bien maigre consolation pour ces infortunés habitants…

Après l’occupation allemande de la seconde guerre mondiale, et suite à l’arrivée en nombre d’intellectuels rebelles chassés d’un hôpital athénien à destination de l’île, la communauté de Spinalonga connut un essor significatif. Structurée démocratiquement, bénéficiant d’une école, d’un hôpital, d’une église et même d’une forme d’économie locale, le gouvernement avait compris l’intérêt d’allouer quelques maigres financements aux projets destinés à contenir toute révolte sur l’îlot « maudit ».

Il arriva que Plaka enviât ces habitants qu’elle avait longtemps ravitaillés.


Nous regagnons la côte crétoise par le bateau menant à Elounda, cette fois, où nous flânerons en débriefant notre visite. C’est à pied que nous rentrons à l’hôtel, ravis par cette excursion particulièrement prégnante.

Dès le lendemain (mardi), je replongeai dans la dernière partie de mon roman de Victoria Hislop dont la lecture fut enrichie des images mentales résultant de notre visite à Spinalonga et Plaka

Je n’évoquerai pas notre visite à Agios Nikolaos (Saint-Nicolas), 10 km à l’Est de notre position et réputée le « Saint-Tropez » local, même si cette ville figure dans mon roman. Je soulignerai cependant, une fois encore, la gentillesse des crétois qui n’est pas une légende…


Jeudi, dernier jour, est l’occasion notamment de remercier les collaborateurs de tous bords de l’hôtel « Elounda Palm », lesquels ont largement contribué à notre magnifique séjour chaleureux, au sens propre et figuré.

Vendredi, 5h30, depuis le balcon de notre chambre, je scrute les premiers rayons du soleil et je regarde poindre au loin Spinalonga, posée sur la mer Egée, à peine voilée par la brume de chaleur qui la magnifie encore…

J’ai tourné, la veille, la dernière page de mon roman, et ce matin, celle de notre séjour crétois dont je n’ai pu résister à partager avec vous qui m’accordez votre attention, les émois…

Merci,

Vincent Poitier, alias « le pensiologue »

26 juillet 2023.

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