


Pourquoi, me dis-je, avoir interviewé et chroniqué au sujet de bon nombre de personnages hutois (le plus souvent) plus singuliers les uns que les autres, et ne pas mettre à l’honneur cette fois celle qui les accueille humblement… Celle dont je foule et arpente le sol depuis près de cinquante ans, j’ai nommé « Huy », ma terre mosane natale…
Je ne ferai pas l’affront d’imaginer réinventer la roue historique, et je rends hommage aux nombreux hutois alimentant les réseaux sociaux de photographies, documents et commentaires riches et quelques fois inédits…La liste est longue et je ne me risquerai pas à l’établir afin de n’omettre personne…
Non, mon propos est ailleurs. A moins qu’il ne s’agisse d’un amour, d’un ressenti profond, ambivalent voire ambigu mais néanmoins charnel…
J’invite les plus jeunes (notamment), à consulter le web, en préambule, afin de cerner au mieux les périodes, les âges, les grands personnages, ayant contribué à la fille de Meuse que nous connaissons (parfois mal) aujourd’hui…
Carrefour historique, industriel, économique, topographique, géologique (Hesbaye, Condroz), culturel, et même jadis, stratégique militaire (pont du chemin de fer et pont Baudouin), Huy est bien plus qu’une carte postale, à l’instar de ses cousines (Dinant, Namur, Liège,…).
Aimant les métaphores, je m’avancerai à la décrire comme une vieille bourgeoise raffinée, quelque peu aigrie, ayant peu concédé de sa superbe, et dont on peut toujours admirer le galbe des courbes, sa volupté…
Bien que ses multiples « liftings » trahissent son inaliénable mais révolue beauté de jeunesse, Huy me séduit encore, voire sa résilience arrive à me surprendre…
Sa lourde jupe exhale pourtant quelques relents amers ou fétides, ce qui la rend pudique, mais quelques fois elle révèle son irrépressible fougue lorsque les tumultes aqueux issus de ses rides topographiques profondes agitent de manière cyclique la fourmilière humaine qui la colonise…
La chirurgie cardio-urbanistique tenta mainte fois de lutter contre des sténoses artérielles répétitives, mais rien n’évincera le diagnostic: Huy a du cholestérol, et elle devra vivre avec…
Elle arbore toujours fièrement les merveilleux atours dont elle s’est vu affublée au fil des siècles, à savoir « Lî Bassinia », « Lî Rondia » (le Rondjâ, donc…), « Lî Tchestia » (le Fort), « Lî Pontia » (jadis le pont principal qui comportait huit arches), auxquels j’ajouterai « Lî Perron » (devant l’hôtel de ville), « Lî Cwerneu » (au sommet du Bassinia, le sonneur de corne qui annonçait les messages publics au Moyen-Âge), « La Maison Batta » (en bord de Meuse, vestige de la Renaissance), etc…
La Meuse, large et sinueuse, figure souvent le célèbre album de bandes-dessinées d’Astérix le gaulois (Uderzo et Goscinny) « Le grand fossé« , tant elle contraste injustement source de vie et séparatisme identitaire entre ses deux rives… Les ponts, merveilleux ouvrages d’ingénierie humaine, ont largement contribué à réduire cette fracture paradoxale. Construits, parfois détruits, ensuite reconstruits, ces ponts revêtent, au-delà de leur usage premier d’infrastructures de communication, un sens métaphorique (eh oui, encore…).
Depuis la petite enfance jusqu’à ce jour, j’ai parcouru, je le crois, chaque mètre de ses quarante-huit kilomètres carrés de superficie, tant de son espace public et boisé, que, dans mon cadre professionnel révolu, ses recoins les plus privés, ses coulisses parmi les plus sombres, glauques, quelques fois à regret ou contre-coeur…
Cette relation intime et oecuménique à cette ville millénaire a participé à l’héritage de l’homme que je suis aujourd’hui, avec des racines, une identité, de l’attachement, et quelques rancoeurs…
Des ingrédients parfaits, nourissant suffisamment d’ocytocine que pour que notre relation soit plus forte que nos vielles querelles qui demeurent archivées au patrimoine immatériel local, à l’instar de chacun de ses vingt et un mille citoyens hutois dont vous faites peut-être partie, quelle que soit votre statut, fonction ou condition…
Huy vous aime, elle vous pardonne, si bien qu’elle sait que nous sommes de passage en son sein…
Vincent Poitier, alias « le Pensiologue«
07 février 2021
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p.s.: La vignette photo d’entête, à gauche (Mounie – Hôtel de Ville) est de Jonathan Dabeye « Scraboutchapix » (chronique n°22 sur ce blog).
