Je trimballe ma gourde depuis quarante et un ans, et je peux vous assurer qu’elle en a vu, du paysage!
Et je vous garantis qu’elle n’a jamais contenu que de l’eau… Des centaines de litres d’eau, si on cumule le nombre incalculable de fois où je l’ai remplie pour des randonnées diverses et variées dans un certain nombre de pays, dont principalement en Belgique et en France…
Au moment où j’écris ces lignes, je viens une fois encore de l’ôter de mon sac à dos, presque vide de tout contenu, contenu que j’ai ingurgité durant les neuf kilomètres de notre sortie du jour avec Laurence…
Elle est toute cabossée! (non, pas Laurence…) Son métal est défoncé de toutes parts au point qu’elle tient droit par miracle lorsque je la pose… Elle représente un peu mon parcours de vie, et je tiens à elle (à Laurence aussi) plus que toute autre chose…
Je l’ai acquise à la « Quincaillerie du Sud », en 1980, Place du Tilleul à Huy (fermée aujourd’hui et depuis récemment), où l’on vendait à cette époque du matériel de camping, notamment… Elle était toute neuve et ses parois étaient intactes. Autant dire qu’elle n’avait pas d’âme… Je l’ai étrennée rapidement à la quatrième Unité (4ème BP) des scouts de la collégiale de Huy, jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, après quoi j’ai continué à la trimballer absolument partout où mes jambes m’ont mené, seul ou accompagné (mais rarement seul, car ma gourde est solidaire).
Chacune de ses fosses ou de ses bosses correspond à une chute, ou à un impact, ou une circonstance ridicule voire dangereuse. Mais elle demeure fière, ma gourde, et je l’aime, surtout avec toutes ses cicatrices et ses stigmates… J’en ai une seconde (celle de ma soeur Evelyne), qui est orange (pas ma soeur…) et de type à peu près identique, mais… Ce n’est pas la mienne, et elle n’a que peu de bosses… C’est la gourde de secours, qui suit généralement le mouvement, mais pas toujours…
Vous ai-je parlé de ma gamelle combinée (casserole, poêle, gobelet, assiette, couverts, queue métallique), qui a le même âge et arbore fièrement, elle aussi, les affres de l’usage et du temps? Et mon opinel gravé « WAP » (mon totem Wapiti), mon couteau suisse, ma guimbarde, ma boussole, la panolplie, quoi!
Je ne me rappelle pas son prix, à ma gourde… Mais à ce jour, son prix serait absolument indécent, si je devais la vendre, ce qui n’est pas envisageable… J’aurais honte… Elle ne me le pardonnerait pas…
C’est plus qu’un objet de brocante, c’est une oeuvre d’art! Oh, je sais, ce n’est qu’un objet pour vous…
Mais pour moi, c’est ma ligne de vie… Et j’aime ses bosses, chacune de ses bosses…
Et si un jour il fait chaud, et que vous avez soif, je vous la prêterai pour vous désaltérer, mais attention, il faudra en prendre soin, et ne pas lui occasionner de bosse… J’y tiens beaucoup…
Vincent Poitier, alias « le Pensiologue »
21 avril 2021
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