063 – Chronique/interview: « Ken RYCKEN, un hutois de souche aux 100 visages »

Huy est décidément une ville singulière qui recèle, que dis-je, qui foisonne de personnalités incontournables…

Devant un tel panel d’êtres humains dont je n’ai pas la prétention de faire tout le tour (on verra au fur et à mesure…), j’ai choisi de mettre à l’honneur, cette fois, un hutois de souche issu d’une famille anversoise, j’ai nommé Ken RYCKEN, que je connais depuis une bonne quarantaine d’années et que j’ai le plaisir de toujours fréquenter, étant moi-même natif de Huy.

Nous avons grandi dans le même paysage social et nos vies se sont croisées à de multiples reprises et dans des circonstances diverses autant qu’inattendues et c’est ça qui est formidable…

Ken a 52 ans et arbore de multiples visages animés par un coeur passionné et opportun. Il a tout vécu, ou presque, et il est très compliqué de synthétiser tout ça en quelques dizaines de lignes, mais je vais essayer…


Le musicien

Il me reçoit chez lui, à Huy, ce 01 mai 2021 en fin d’après-midi, rendez-vous convenu la veille. Sa guitare à la main, il gratte et chantonne. Nous discutons, je consulte mes notes et nous engageons la conversation sur l’origine de son intérêt musical.

  • « Il y a toujours eu un piano à la maison, dès mon enfance, et ma soeur Carla jouait de la guitare. J’ai naturellement nourri un intérêt passionné pour les instruments de musique. Je suis un intuitif, donc j’ai touché un peu à tout, pour essayer. En 2016, j’ai connu un pépin de santé sérieux. Pendant ma convalescence, j’ai opéré un changement physique et psychologique. Je me suis dit qu’il fallait faire les choses sans attendre car on ne sait pas ce qui peut se passer. J’ai été fasciné par la contrebasse électrique lors d’un programme éducatif  marchinois appelé « Les jeunesses musicales ». J’ai rencontré Michel Stassart, et on a créé un petit « Band » de Jazz-Pop en 2017 qu’on a nommé « The Lift ». On trouvait ça comique car nos détracteurs disaient qu’on jouait de la musique d’ascenseur » (rire).

741EB787-31CD-40CF-A2E4-D1577D856231 Photo de Grégory DIZIER (avec son accord)

Je m’en rappelle bien car j’avais tenté un « boeuf » avec le band mais ce ne fut pas très réussi en ce qui me concerne, avec mon saxe alto qui est un peu bruyant… (honte)

Ken Rycken, également consultant pour la Fédération des Commerçants de Huy, a été sollicité en 2020 pour reprendre l’organisation du projet d’évènements « Ça Jazz à Huy » dont c’est la 39ème édition cette année et dont Marc LOUMAYE a pris congé officiellement pour raison de retraite, me dit Ken qui est décidément partout…


L’acteur

En fouillant son Facebook, je constate que Ken a joué dans un film réalisé par la « Mézon des jeunes » (avec Joël Hahaut) en 1989 et pour lequel on lui décerne à l’époque un « Cwerneu » pour le meilleur second rôle. Il va me chercher dans ses archives une photo en noir et blanc où il « empoigne » pour les besoins du film le bien connu Jacques SONDRON (cf chronique/interview n°028 sur ce blog)

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Il n’est dès lors pas étonnant que le théâtre d’improvisation le happe un moment, en 2015, sous la houlette de Carole Matagne, avec la troupe les « Bin’ Amay » (ASBL Chapeau l’artiste), troupe qui se produira en octobre et juin 2015, avec le soutien du Centre Culturel. Converti en « Erreur 404 » à la suite du départ de Carole Matagne qui se hisse en impro nationale, le projet amaytois périclite.

Mais Ken en a vu d’autres, et poursuit sa route, de manière para-professionnelle, « AVA LES VOYES », comme dirait William DUNKER (chanteur wallon, en wallon), et c’est alors que la chanteuse du band « The Lift », Muriel Wagner, lui fait rencontrer Quentin Michot, acteur de théâtre notamment pour la compagnie des « Brankignols » mise en scène par JANGUY Lizin (cf chronique/interview n°026 sur ce blog) où je suis également convié et ai revu Ken pour participer à un projet théâtral (mais chûûûût!).


Ken me parle de l’organisation de « Restos Rallyes » en 2004-2005, où il crée le concept qui s’étend dans toute la Belgique, de la production d’un opéra de musique baroque à Paris en 2006, des projets improbables générés par les circonstances des rencontres et par un festival d’opportunités qui ont jalonné la vie de Ken Rycken…


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Le hockeyeur

Comme si cela ne suffisait pas (et c’est loin d’être fini, ne zappez pas!), Ken est investi dans le sport depuis l’enfance et jusqu’à ce jour. Sa maman, anversoise, fut hockeyeuse (si, si!) et d’autres membres de la famille gravitaient de près ou de loin dans le hockey. Ken participa naturellement tous les après-midi dès l’âge de sept ans (1976) à des ateliers/stages de hockey. Jouant durant des années jusqu’en Division 2 (la D1 actuelle), Ken devient membre du Comité, ensuite Secrétaire et puis Président du Club de Tihange (Huy), demeurant aujourd’hui administrateur de la coopérative du club. Il joue encore sur le terrain en catégorie « Gent » (plus de 35 ans, et même beaucoup plus…).

Il me signale au passage, en riant, qu’il a même arbitré en 2010 la finale nationale de Beach-Hockey à Knokke, qui est une pseudo coupe, mais tout de même, c’est comique… (on est même plus étonné…)


Le scout

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Camp Pionniers, Jura français, 1989 (totem « Morse ») (photo personnelle)

Une page importante de la vie de Ken, et de la mienne, c’est le scoutisme… Il intègre la 4ème BP (unité des scouts catholiques de la Collégiale de Huy, rue des Larrons) en 1975, comme louveteau, à la meute Kipling, tandis que j’intègre en 1979 la meute Saint-François de la même unité. C’est là que nous nous rencontrons, alors que nous sommes des gamins (surtout moi, j’avais sept ans…).

Gravissant tous les stades et la hiérarchie du scoutisme local, il en deviendra le chef d’Unité vers l’année 1991-1992, alors que moi aussi je traçai ce parcours jusqu’à l’âge de 19 ans, alors co-rédacteur (avec mon cher ami Patrick Degaillier) et illustrateur du journal mensuel de l’Unité des scouts, « Le Gai Larron »., après avoir quitté les Pionniers remis sur pieds quelques cinq années plus tôt par Jean-Louis Cuvelier que je salue chaleureusement au passage.

Cette longue époque, les scouts, de 1975 à 1992 a suscité une pause lors de notre entretien, tant les anecdotes que nous nous sommes remémorés étaient légion… On a ri… Mais on ne peut décemment pas tout raconter et heureusement, car il y a du dossier… Les années adolescentes, etc… (vous voyez ce que je veux dire…) Je me rappelle notamment, vers la fin des années 1980, alors que nous fréquentions régulièrement le café le « Student » rue des Rôtisseurs à Huy (tenu par les frères Bosco), Ken avait une chienne noire, Diane, qui le suivait partout et courait notamment derrière son maître qui « pérégrinait » sur un « Dax » ou un truc comme ça…


Les années LIZIN

Impossibe de ne pas les évoquer, ces années folles… Dès 1992, la transition s’opère. Ken devient le chauffeur de la sénatrice bourgmestre Anne-Marie LIZIN et ce, durant onze années étalées sur deux périodes (1992 à 1999 et de 2006 à 2010, période où elle fut le première femme à présider le Sénat belge).

C’est dans ce cadre que beaucoup connaissent Ken Rycken dont les tribulations de la première période furent dignes d’un roman… Il nous en parle un peu plus loin dans cet entretien. C’est tout de même le seul qui a tenu le coup aussi longtemps, au service de cette grande Dame à la personnalité controversée, tout comme a pu l’être celle de Ken, à certains moments de sa vie…


L’esprit d’entreprise indépendante

Ken a un don évident de reconversion professionnelle. C’est probablement sa « tchatche » qui le sert… De 1999 à 2002, il ravaille chez « Q Team« , de 2000 à 2010 il est commercial indépendant et vend des pneus (cherchez le rapport…) et depuis 2010, il vend des cuisines… C’est d’ailleurs un plaisir pour moi de « cuisiner son égo » aujourd’hui…

Pour un garçon qui fut diplômé de l’IFAPME en qualité de couvreur zingueur (1989), c’est amusant de parler de toi, mon cher Ken. Ton parcours est pour le moins atypique ce qui ne me facilite pas la tâche lorsque je dois structurer mon récit… (clin d’oeil amical, sourire…)


L’interview

Question: Tu es un vrai hutois de souche. On s’est connus il y a un peu plus de quarante ans à l’époque où j’ai acquis ma gourde! (rire) (cf billet n°058 sur ce blog) C’était à la 4ème BP (scouts de Huy), unité non mixte au départ. Tu es un personnage qui fait partie de la carte postale hutoise… Tu es attaché à tes racines? Qu’est-ce qui te plaît à ce point, dans ce fief?

  • « Je suis anversois de famille mais je suis né à Huy. Je suis un immigré! (rire). La ville de Huy, c’est une famille, une vie de proximité qui crée des liens étroits, des expériences, des opportunités… Huy possède un truc porteur, on devrait se fédérer plus. C’est un écrin de talents, une ville historique qui gagne à être connue dans le monde entier. C’est un fait, ce n’est pas qu’une vue de mon esprit. »

Question: Tu es un homme « pluriel », un peu éclectique, avec, il me semble, une grande sensibilité qui s’exprime aussi artistiquement, ce qui contraste quelque peu avec ton parcours professionnel. Ce sont tous les contacts humains, le leitmotiv, ou je me trompe?

  • « Oui, le relationnel, c’est ça. Le monde est social. J’ai rencontré une foule de gens incroyables dans le cadre professionnel. Notamment quand j’étais chauffeur d’Anne-Marie LIZIN, durant onze années cumulées. Mais les premières années ont compté triple en terme d’intensté et de rythme éffréné de travail et de vie. D’ailleurs, un jour, j’ai postulé chez BMW et comme argument de profil j’ai argué que j’avais roulé plus de un million de kilomètres en « série 7 » à rattraper du retard! (rire) Mais j’ai rencontré et véhiculé des gens tels que Simone VEIL, Yasser ARAFAT, et tout le toutim (la liste est trop longue)… C’est une richesse, un grand écart entre les rencontres avec ce genre de personnes et le plaisir, en tant que commercial, de communiquer avec des clients. Du relationnel, une fois encore, de l’humain. »

Question: Qui ne te connaît pas , à Huy?

  • « C’est vrai que je suis connu, ça m’amuse et ça fait rire les gens, car si quelqu’un ne me connaît pas, c’est qu’il n’est pas du coin, à fortiori! (rire) On me reconnaît beaucoup pour avoir été chauffeur d’Anne-Marie LIZIN, ce qui a pu être difficile parfois, comme travaileur indépendant. Cela a tendance à me coller à la peau, mais ça va mieux aujourd’hui, ça passe doucement…

Question: D’où vient ce besoin d’expression artistique? Tu aimes les déguisements aussi, je crois?

  • « Ken, ce prénom formate ta vie. Il y a cinquante ans, personne ne s’appelait Ken! Ken et Barbie, etc… Ce genre de vannes, je les ai entendues… J’ai du avoir beaucoup d’humour, le sens de la répartie, ça peut venir de là… Ça tape à l’oreille, Ken! Et de plus, j’aime bien faire le guignol… »

Question: Pour conclure, car l’heure avance, quel est ton message d’espoir ou ta devise?

  • « Un NON, t’as toujours! Un OUI t’as peut-être… (avec l’accent belge, une fois…) (rire)

Débriefing

Nous allons au salon pour une photo, et à mon retour à la cuisine, « SUKI », le chat de Ken, squatte mon bloc note, comme s’il ne voulait pas me laisser partir, ou qu’il souhaitait me narrer l’une ou l’autre anecdote savoureuse, mais heureusement sans doute, il ne parle pas…

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On pourrait écrire un livre sur chaque vie humaine, mais dans le cas de Ken, je lui consacre cette chronique/interview que vous nous faites le plaisir de lire et de partager un peu en l’instant…

Et puis je fais comme je veux… Cela m’a plu, de ressasser les vieilles histoires avec mon pote, votre pote, enfin, celui qui appartient un peu à tout monde, qu’on estime, qu’on aime, voire qu’on n’aime pas, mais qui jamais ne laisse indifférent! 

C’est vrai que dans la vie, les rencontres provoquent des cascades d’événements imprévisibles, et que pour cela, la vie est une aventure dingue!

En dessert, je vous confie qu’un jour de mes dix-sept ans, j’ai ramassé une fameuse « torgnole » éducative, et devinez qui me l’a assenée… (je vous laisse terminer cette phrase…) (lol)

Dois-je vous préciser encore que Ken est champion du monde de chansons en « yaourt » anglais! (si, si, c’est vrai!)

Merci Ken, pour ton sourire, ta sympathie, ton accueil chaleureux, pour ce partage, cet échange, cette confiance de quatre décennies… J’ai adoré notre entretien!

Bonne route Kenou! Bon vent l’artiste! Et merci!

Vincent Poitier, alias « le Pensiologue »

01 mai 2021

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